Superficie : 2,4 hectares.
Milieux naturels : pelouses et boisements calcicoles, cavités souterraines. Deux habitats naturels patrimoniaux.
Richesses floristiques : 169 espèces végétales dont 11 patrimoniales y ont été recensées.
Richesses faunistiques : on y dénombre 20 espèces d’oiseaux nicheurs et 26 espèces de papillons de jour.
En bordure de l’Audomarois, les anciennes carrières de craie de Cléty constituent un site géologique remarquable.
Ici, la craie est âgée d’environ 90 millions d’années. Des silex, visibles dans le front de taille, se sont formés au même moment.
Remontons le temps… Imaginons la région recouverte d’une vaste mer tropicale, imaginons la diversité des organismes qui y vivaient : des oursins, des mollusques… et également des milliers de minuscules algues appelées « coccolithophoridées », à l’origine de la formation de la craie.
Dès le Moyen-âge, la craie fut extraite pour la construction de bâtiments d’exception comme l’église de Cléty. Les moellons de craie se retrouvent également en alternance avec des rangées de briques dans les murs en « rouges-barres ».
La nature a repris ses droits sur cette ancienne exploitation de l’Homme. On y découvre une grande diversité d’espèces végétales, parmi lesquelles poussent des orchidées sauvages comme l’ophrys abeille. Côté faune, on aurait peut-être la chance d’observer le bruant jaune, chantant, perché sur les plus hautes branches ou encore le vol d’un argus frêle. Plus rares : le murin de Daubenton et le murin à moustaches, deux espèces de chauves-souris qui s’abritent l’hiver dans les anciennes galeries souterraines des carrières…
Classé Réserve Naturelle Régionale par la Région Nord Pas-de-Calais, le site est ainsi protégé et préservé grâce au travail effectué de concert par la commune de Cléty, propriétaire, le Conservatoire des Sites, gestionnaire, et l’ensemble des acteurs locaux (naturalistes, société de chasse, etc.).
La craie est une roche blanche, peu dure, composée de granules de quelques millièmes de millimètres (0,003 à 0,005 mm) qui s’effritent sous les doigts. Elle ressemble au calcaire, mais les grains qui la composent ne sont pas intimement soudés.
Cette poussière blanche est composée de débris d’algues marines microscopiques appelées coccolithophoridées. Ces dernières fabriquent une sorte d’armature (coccosphère) composée de plaques en forme de disques (coccolithes). Après la mort des algues, ces plaques tombent au fond de la mer et peu à peu forment la craie.
Cette mer devait être chaude pour que ces algues prolifèrent et laissent de telles couches de sédiments (près de 100 m d’épaisseur dans le Nord Pas-de-Calais). Toutefois, les dépôts étaient très lents, et il a fallu plusieurs centaines de milliers d’années pour déposer les couches de craie visibles sur leur site.
Cette mer était peu profonde. Les organismes conservés dans la craie ne vivaient pas dans des profondeurs d’eau supérieures à 100-200 mètres.
La craie a une structuration en couches horizontales. Elle est ici soulignée par les bancs de silex noirs qui forment des lignes sombres sur le front de taille. Elle résulte de dépôts sédimentaires successifs. Chaque niveau est légèrement différent (plus tendre, plus sombre, plus épais…). Cette diversité correspond aux variations des conditions de milieu lors des dépôts. Quand les coccolithes tombent au fond de la mer à la mort de l’algue, ils forment une boue crayeuse qui se durcit peu à peu sous le poids des nouvelles couches et par des phénomènes chimiques (diagenèse). Parfois, pendant quelques dizaines de milliers d’années, lorsque le courant est plus fort, les dépôts crayeux s’arrêtent. De la calcite vient alors cimenter les grains de la couche superficielle. Elle devient plus dure et plus compacte. Ce niveau jaunâtre et résistant est appelé « hardground ».
À l’époque de la formation de la craie, le climat de la terre était globalement plus chaud. Les glaciers (qui stockent de l’eau) étant très réduits, le niveau relatif de la mer était plus haut. Une vaste mer recouvrait ainsi pratiquement toute l’Europe. Il s’y est déposé tant de craie que les géologues l’ont appelée la « mer de craie ».
Les silex sont des pierres très dures, grises avec le cœur noir et cristallin comme du verre. Ils sont alignés en bancs continus ou sont dispersés dans la craie. Les géologues pensent qu’ils sont issus d’organismes marins microscopiques ou plus gros comme les éponges. Leur squelette, constitué de silice, se dissolvait peu à peu à leur mort. Quand la teneur en silice dissoute dans l’eau était importante, les molécules de silice s’aggloméraient et imprégnaient le fond marin : la silice précipitait. Le gel siliceux ainsi formé glissait dans les terriers d’animaux vivant au fond de l’eau. Le silex en a gardé la forme. La silice qui continuait à précipiter, le faisait de préférence autour de ce premier noyau. Le centre s’épurait peu à peu et devenait de la calcédoine pure. Si le cœur de calcédoine est noire et lisse, la surface est blanchâtre, rugueuse ; elle est riche en résidus de craie.
Les coccolithes ne sont pas les seules traces de la vie marine que l’on peut découvrir dans la craie. D’autres fossiles microscopiques et quelques fossiles d’oursins, de coquillages ou de poissons permettent de comparer plus encore les différentes couches de craie. Les plantes et les animaux sont apparus, ont évolué et ont disparu au fil des temps. Leur observation, couplée avec celle des caractères de la roche, permet de dater les couches et de les corréler.
Corréler, c’est comparer des sites les uns par rapport aux autres pour les dater précisément et définir l’histoire de la région. Les géologues savent ainsi que la craie du Nord Pas-de-Calais s’est formée durant 30 millions d’années (de -95 à -65 millions d’années). Cette période appartient au Crétacé ainsi nommé, car la présence de craie constitue sa caractéristique principale.
Les couches de craie des anciennes carrières de Cléty sont comparables à celles du sommet de la falaise du cap Blanc-Nez et datent d’environ 89 millions d’années. Elles correspondent à plusieurs centaines de milliers d’années d’histoire situées plus précisément à des époques appelées Turonien et Coniacien.
La craie des anciennes carrières de Cléty a été exploitée dès le Moyen-âge.
Pour extraire la pierre de taille, les hommes ont creusé des fosses puis des galeries dans les meilleures couches (les plus denses et les plus épaisses). Disponible en grande quantité, accessible et se taillant aisément, ce matériau a été utilisé pour les bâtiments de la région : les « rouges-barres » des fermes ou l’église de Cléty par exemple.
Malheureusement, la craie est poreuse, les grains ne sont pas complètement soudés. L’eau s’infiltre à l’intérieur et fait éclater la pierre lorsqu’elle gèle. La craie a donc été peu à peu abandonnée au profit d’autres matériaux plus durables et plus économiques (briques, béton…).
L’exploitation a été très importante et a créé un vaste réseau de galeries partiellement comblées. Les cavités, sur la gauche, sont d’anciennes galeries dégagées par l’exploitation moderne et les travaux de mise en sécurité.
Les cultivateurs ont toujours essayé d’améliorer les récoltes. Au vingtième siècle, avec l’essor de la mécanisation de l’agriculture, la pratique de l’amendement s’est développée. Il s’agit d’apporter au sol des substances minérales (sable, marne, chaux…) et organiques (fumier). Celles-ci fournissent de la nourriture aux plantes et améliorent la qualité du sol qui laisse mieux passer l’air, le surplus d’eau et les racines des plantes.
La craie des anciennes carrières de Cléty a ainsi été exploitée à ciel ouvert pour le chaulage ou le marnage des champs. Pour le marnage, la craie est seulement broyée. Pour le chaulage, elle est préalablement cuite à forte température. Toutes les couches sont utilisées, elles ont globalement les mêmes qualités chimiques.
Il est désormais interdit d’extraire de la craie des anciennes carrières de Cléty.
Les anciennes galeries souterraines ont été obturées pour des raisons de sécurité. Une petite ouverture a cependant été maintenue. En effet, deux espèces de chauves-souris occupent ces galeries l’hiver : le murin de Daubenton (myotis daubentonii) et le murin à moustaches (myotis mystacinus). Ces espèces sont menacées de disparition dans le Nord Pas-de-Calais.
Elles trouvent ici des conditions optimales à leur hibernation. D’abord, la température des galeries varie très peu, leur température corporelle peut donc rester constante pendant cette longue période de léthargie. Ensuite, l’humidité ambiante empêche la peau nue de leurs ailes de se dessécher. Enfin, elles ne sont pas dérangées durant leur sommeil et ne consomment donc pas d’énergie inutilement.
Au printemps, elles quittent le site pour se reproduire dans des gîtes plus chauds (greniers, arbres creux…).
Les coteaux calcaires sont difficilement cultivables (pentus, secs et caillouteux), la craie est presque mise à nue. De nombreuses espèces de plantes indigènes arrivent à survivre dans ces conditions. Elles affectionnent ces terrains au pH élevé et résistent à la sécheresse. L’eau n’étant pas retenue par la craie, elle s’écoule à travers le coteau.
L’Homme a quand même su tirer parti de cette flore caractéristique. Sur ces terrains pentus et incultes, il faisait paître des moutons. Ainsi, des troupeaux de moutons boulonnais (une race régionale) circulaient et entretenaient les pelouses calcicoles des coteaux environnants. Cette végétation subsiste sur la plante herbacée située à droite des fronts de taille.
Sur ces pelouses pousse par exemple le seul conifère indigène du Nord Pas-de-Calais, le genévrier commun (juniperus communis), et des orchidées sauvages comme l’ophrys abeille (ophrys apifera). Ce sont des espèces protégées par la loi. Il est strictement interdit de les cueillir.